31/12/2010

29/12/2010

Ciel... Vallotton, deux fois

Félix Vallotton - Nuage à Romanel, 1900
Source : Wikimedia Commons


Félix Vallotton - Coucher de soleil, ciel orangé, 1910
Source : Wikimedia Commons

26/12/2010

Le thon chaud est toujours debout




Hot Tuna (Jack Casady, Jorma Kaukonen, Barry Mitterhoff) - Hesitation Blues
Mis en ligne par MPRdotOrg Minnesota Public Radio





 
Et pendant ce temps-là...
...le foetus récalcitre (bientôt, chez Finitude)

24/12/2010

That undiscover'd country : le clown (Tissot #5)

James Tissot - Les femmes de sport/Amateur Circus, 1883-1885, détail (image modifiée)
Museum of Fine Arts, Boston
Source


Ce clown, qui n'est probablement pas anglais, affiche pourtant...




...son Union Jack. C'est que le clown, comme son nom l'indique, est anglais, même en France et cela depuis presque un siècle au moment où Tissot peint ce tableau. Mesdames, Messieurs, Petizenfants, Parade : entrent...



John Philip Sousa - The Liberty Bell March
Thème musical du Monthy Python's Flying Circus,
les continuateurs télévisuels du cirque et du vaudeville anglais
Mis en ligne par Paul Yates


Billy Saunders, écuyer comique et dresseur de chiens que les Français appelaient un «claune» amené à Paris en 1788 par Philip Astley, l'inventeur anglais du cirque moderne. C'est Saunders qui le premier a lancé au public

 "volé-vô jouer avé moâ ?" 


Joseph Grimaldi, le clown anglais le plus célèbre du XIXème siècle,
ne joua jamais en France


...mais ce n'est que vers 1850 que les clowns anglais prirent l'ascendant sur leurs prédécesseurs français, grotesques et Pierrots (1).


Jules Garnier - Illustration pour Hugues Le Roux,
Les jeux du Cirque et la vie foraine, 1889


Thomas Kemp, le premier clown anglais du Cirque Olympique en 1853, perruque rouge et collant multicolore, qui faisait tourner une toupie sur son menton et une plume de paon en équilibre sur le nez...


Jules Garnier - Illustration pour Les jeux du Cirque et la vie foraine



James Boswell qui lui succéda "barbouillé de blanc, peinturluré comme un sauvage, avait des facéties macabres qui faisaient courir à ceux qui devinaient, un un petit frisson dans le dos. Il y avait, chez ce bouffon du Cirque, quelque chose de vaguement terrible. Son rire sonnait le brisé comme une cloche fêlée.
Parfois, lorsque quelque belle jeune fille en jupe courte, les épaules et les bas nus, toute triomphante sous les bravos de la foule, s'apprêtait au milieu de ses exercices, et, tandis qu'on lui préparait ses banderoles et les cerceaux, flattait de sa petite main son cheval en sueur, Boswell, froidement, venait se planter devant elle. Il s'enveloppait, comme d'un peplum de tragédie, des draperies qu'il devait tendre sous les souliers roses de l'écuyère et, là, face à face, lugubre, effrayant, pendant  que le public se tordait de rire, il récitait en anglais à la jolie créature quelque passage du monologue d'Hamlet (2).
Le public ne comprenait pas, l'écuyère souriait. Lui, parlait avec une sorte de frénésie nerveuse, à la fois grotesque et féroce de
That undiscover'd country, from whose bourn
No traveller return (3)
Et drapé dans l'étoffe blanche rayée de rouge, sa face enfarinée à la large bouche saignante comme les lèvres d'un enfant barbouillé de mûres, il ressemblait à quelque spectre caricatural enveloppé dans le suaire ensanglanté de la mort.
 ...Boswell lisait beaucoup, il parlait peu. On le soupçonnait fort d'être amoureux d'une écuyère à qui il n'adressait presque jamais la parole, seulement pendant les exercices en lui récitant du Shakespeare, ce qui la faisait éclater de rire. Shakespeare lui importait si peu !... Boswell prenait parfois plaisir à la narguer, lui retirant brusquement le cerceau de papier vers lequel elle allait bondir et la regardant d'un air bizarre, les yeux fixes, en poussant quelque cri guttural accompagné d'un sautillement nerveux" (4).

Boswell avait une spécialité...

 Edouard de Perrodil - Monsieur Clown, 1889


...et c'est en l'exécutant qu'il mourut en 1859 sur la piste du Cirque Napoléon, victime d'une attaque. Jules Claretie raconte cette fin de façon plus romanesque :  "Un soir, pendant ses exercices, après avoir récité quelque tirade d'Hamlet dans cette langue que ses auditeurs appelaient un baragouin, il sauta brusquement au milieu du cirque et, tandis que l'écuyère continuait à tourner sur son cheval, il demeura là, la tête en bas, appuyé sur le sable, les mains à plat, le sang lui gonflant le cou, lui congestionnant la tête, ses yeux fixes sortant de ses orbites.
On cria d'abord Bravo! puis on cria Assez! Boswell enfin, qui se raidissait visiblement pour se tenir ainsi tout droit, les pieds en l'air, oscilla tout à coup comme un arbre qu'on déracine et tomba, avec un bruit mat, sur le côté, la joue dans le sable.
On courut à lui. Il ne bougeait plus. On l'emporta. Il était mort. Mort d'un coup de sang, paraît-il" (4).


Jules Garnier - Illustration pour Les jeux du Cirque et la vie foraine


Little William Wheal, le fils de Zephora la Belle Amazone, qui fut d'abord comparse de Boswell, et qui dansait sur les mains. Il faisait encore à l'âge de cinquante ans cent sauts périlleux arrière - et récitait lui aussi Hamlet au Cirque Olympique...


Jules Garnier - Illustration pour Les jeux du Cirque et la vie foraine

Candler, qui travaillait à la perche au Cirque Franconi...


Jules Garnier - Illustration pour Les jeux du Cirque et la vie foraine



Les frères Price, clowns équilibristes et musiciens inventeurs du numéro des Violons sauteurs, où ils jouaient du violon en exécutant des sauts périlleux - et de celui des échelles musicales - ils interprétaient un duo pour flûte et violon chacun en équilibre sur une échelle libre.


Les Craggs : les clowns ne se produisaient pas tous en costumes multicolores
Jules Garnier - Illustration pour Les jeux du Cirque et la vie foraine



Chadwick, aux Cirques d'hiver et d'été - selon certains c'est Chadwick qui le premier cria  Miousic! au chef d'orchestre à la fin de chacun de ses tours. Mais d'autres disent que c'est Boswell...


Illustration de J. Blass pour Edouard de Perrodil - Monsieur Clown, 1889


Et Tom Belling, dit Tommy Voltige, dont on raconte qu'il inventa le personnage de l'Auguste, un soir au Cirque Renz à Berlin, ou peut-être à Bruxelles, et qui figure effectivement au programme du cirque Franconi à Paris, le 18 janvier 1877 : Tom Belling dit Auguste (5), quelque dix ans avant que James Guyon, un Français pour le coup, ne rende célèbre l'Auguste de l'Hippodrome...


 Illustration de J. Blass pour Monsieur Clown, 1889


Et les Hanlon-Lee (6) qui firent de la pantomime ce  jeu de précision explosif et gentiment sadique...

Affiche pour Le Voyage en Suisse, spectacle des Hanlon-Lee

...qui devait se prolonger dans le vaudeville londonien et américain, et plus tard encore chez Méliès et Keaton...



Un des Hanlon-Lee
Jules Garnier - Illustration pour Les jeux du Cirque et la vie foraine

Et Billy-Hayden, employé du gaz de Birmingham devenu acrobate en compagnie d'un autre ouvrier de la même usine - Billy-Hayden qui portait un costume bouffant marqué dans le dos du mot Confiture (7)... Et Tony-Greace, et Foottit né  à Nottingham d'un père qui tenait un cirque, à Manchester encore...


Jules Garnier - Illustration pour Les jeux du Cirque et la vie foraine


Tant et si bien que même les Français et les Belges, quand ils se faisaient clowns, prenaient un nom anglais comme Little Walter, natif de Liège...


Little Walter
Jules Garnier - Illustration pour Les jeux du Cirque et la vie foraine


...et parlaient avec l'accent anglais - ou même, quand ils le pouvaient, dans la langue des bouffons de Shakespeare. Les spectateurs mondains du Cirque Molier pouvaient leur répondre dans cette même langue, à leurs risques et périls bien sûr.

En même temps, n'y a-t-il pas une certaine dose d'auto-ironie...



Edgar Degas - Portrait de James Tissot, 1867-1868, détail


...assez dépréciative, dans cette figure de clown ? On sait que Tissot, revenu après onze ans passés à Londres, était considéré comme un peintre anglais, et pour cela passé de mode. Comme le dit, en y mettant les formes, Félix Fénéon :  "M. Tissot s'est proposé, en quinze toiles, qu'il a traduites en miraculeuses eaux fortes, de donner la quintessence de la vie féminine Mais un séjour à Londres, depuis l'insurrection de 1871, a fait de M. Tissot le plus pur des Anglais. Il a placé sa femme partout, au restaurant Ledoyen, sur les gradins du Cirque Molier, sur la corde tendue, au magasin, dans les salons, au boudoir, sur des chars d'hippodrome..., et partout, en dépit des affirmations du catalogue, ce sont des Londoniennes peut-être, jamais des Parisiennes; et la sensation que suscitent que suscitent ces curieuses oeuvres d'un esprit distingué et chercheur s'acidule de cette perpétuelle contradiction." (8). Je ne sais pas si Tissot se voyait dans ce costume de clown à l'Union Jack - qu'il a d'ailleurs exposé tel quel à Londres quelques mois plus tard - mais je lui trouve un fond de mélancolie, à ce clown dressé seul au milieu de toutes ces jolies dames et de ces beaux messieurs.

Remarquez d'ailleurs que Tissot le peint comme un élément secondaire du spectacle - le clown n'effectue pas ici une entrée à proprement parler, ni un numéro précis. Il est saisi dans un travail de clown de reprise ou d'amuseur du tapis, en langage de métier : il distrait le public, adresse des lazzi aux spectateurs pendant que les chevaux se reposent ou qu'on installe les agrès. Très probablement, Tissot peint le moment de transition entre les numéros équestres et ceux des gymnastes et acrobates qui viennent de s'installer. Les personnages en rouge, près de l'entrée de scène...




...n'ont rien à voir malgré leur uniforme avec l'armée de Sa Gracieuse Majesté : ce sont les Habits Rouges, qui étaient en principe tous nobles et servaient de garçons de piste chez Molier,  faisant la haie d'honneur à Blanche Allary, l'écuyère maison - un snobisme de plus, façon pour le Cirque de montrer qu'ici on était titré même dans les petits emplois.

Et s'il fallait mettre un nom sur ce clown des Femmes de sport, au hasard je l'appellerais Bobèche - c'était le clown-vedette des premières années du Cirque Molier, un clown amateur, de son vrai nom Jules Ravaut, qu'un article du Gaulois de ces années-là nous montre en bonne compagnie (9), comme quoi on pouvait être comique chez Molier et côtoyer Mac-Mahon à Deauville - petit Grand Monde, clowns et maréchaux, involontaire et minuscule République.




(1) Les grotesques français, comme les clowns anglais, sont des jongleurs, équilibristes et acrobates qui viennent du spectacle de rue et de foire - celui des palquistes sur tapis ou des banquistes sur tréteaux - mais qui se mêlent, à lafin du XVIIIème siècle en Angleterre, au début du XIXème en France, au spectacle équestre. Le grotesque comme le clown meuble les intermèdes, amuse le public pendant qu'on installe les agrès, exécute lui-même des numéros acrobatiques où il met plus ou moins de fantaisie, mimant les artistes dans l'esprit du comique maître/serviteur hérité de la commedia dell'arte. Le Pierrot, lui, est plus un artiste de théâtre, celui de la pantomime française des Deburau et des Funambules.

(2) La vogue de Shakespeare date des représentations de 1827 à l'Odéon. Très rapidement Hamlet, Macbeth et Othello sont adaptées et parodiées au Cirque Olympique.

(3) Hamlet, Acte III sc. 1.

(4) Jules Claretie - La vie à Paris :  1880-1885, t.2 Année 1881, pp. 353-356.

(5) Tristan Rémy, Les clowns, p. 70.

(6) Les Hanlon-Lee sont les fils (au nombre de six) de Thomas Hanlon, directeur du Théâtre Royal de Manchester, formés par Lee au Théâtre Adelphi de Londres. Passés aux Etats-Unis, ils rencontrent à Chicago le français Agoust qui se joint à la troupe. Ils se produisent à Paris en 1869  puis 72, mais c'est à l'exposition universelle de 1878 qu'ils connaissent un triomphe. Les Hanlon-Lee font un grand pas en avant dans la mécanisation et l'industrialisation du spectacle, voir la place que tiennent les chemins de fer dans leurs pantomimes, et les dispositifs sophistiqués qu'ils faisaient protéger par des brevets que John McKinven a exhumés à l'U.S. Patent Office : dispositif de démembrement, dispositif de décapitation, appareils à bulles fantasmatiques, etc...

(7) Tristan Rémy, p. 96. Remarquez comme les noms des grandes villes industrielles de l'Angleterre du XIXème, Manchester, Brimingham... font la ritournelle dans la biographie des clowns.

(8) Félix Fénéon - Chronique d'avrilLa revue indépendante, 1er mai 1885, p. 25. L'exposition visée est celle de la galerie Sedelmeyer, où se trouvaient précisément les Femmes de sport.

(9) "Parmi les hommes le maréchal de Mac-Mahon, le baron Alphonse de Rothschild, M. de Montgommerv, J. Lefebvre, duc de Gramont, baron de Soubeyran, comte Hallez- Claparède, comte de Saint-Roman, M. Bischoffsheim, comte de Gontaut-Biron. baron de SchieMer, baron Roger, MM. Michel Ephrussi et Maurice Ephrussi, marquis de Bouthillier, M. Delattre, J. Prat, comte de Nicolay, baron Finot, comte de Breteuil, comte Foy, comte Le Gonidec. MM. de la Haye~Jousselin, de Salverte, de Brémond, comte Le Marois, M. Paul Goldschmidt, baron de Bastard, MM. Ridgway,  Moréau-ChasIon, de Boisgelin, de Gouy-d'Arsy, Jules Ravaut..." Le Gaulois, 15 août 1887, compte-rendu de la première course de Deauville.

Sources : sur les clowns en France, on peut lire en ligne Edouard de Perrodil - Monsieur Clown, 1889  et Hugues Le Roux, Les jeux du Cirque et la vie foraine, 1889 mais on ne peut se dispenser du livre de Tristan Rémy, Les clowns (1945).

Les Hanlon-Lee sont un sujet à part, et fort intéressant. Il existe sur eux beaucoup de références chez les journalistes et chroniqueurs français de l'époque, y compris en ligne, mais Les Mémoires et Pantomimes des Frères Hanlon–Lees, de Richard Lesclide (1880) seront fort difficiles à trouver en-dehors des bibliothèques spécialisées. Sauf omission de ma part les chercheurs français récents se sont peu intéressés à cette troupe, à part :
Et donc le livre de référence sur les Hanlon est celui de  Mark Cosdon, The Hanlon Brothers: From Daredevil Acrobatics to Spectacle Pantomime, 1833-1931. Mark Cosdon a mis en ligne une chronologie complète des Hanlon, et écrit un chapitre sur eux, en français, dans : 
  • Arnaud Rykner (dir.) Pantomime et théâtre du corps. Transparence et opacité du hors-texte, Presses Universitaires de Rennes, coll. "Le Spectaculaire", 2009.

Je parle un peu plus haut (n. 6) de John A. McKinven, The Hanlon Brothers: Their Amazing Acrobatics, Pantomimes and Stage Spectacles.

Je signale enfin l'excellent blog de Joe Towsen, All fall down,the craft and art of physical comedy, sur lequel il a mis en ligne le chapitre 5 de son livre Clowns, a panoramic history.



et le cirque vous souhaite
de bonnes fêtes à tous

21/12/2010

Ont-elles seulement froid, les lanternes de granit : Joel Stewart

Joel Stewart - Toro, 2006 aquatinte

Joel Stewart, né à Danville, Californie en 1959 s'est établi au Japon en 1986. Il emploie l'aquarelle, l'eau-forte et l'aquatinte et considère Kyoto, où il réside, comme un lieu étroit fait pour les gros plans ("a close-up place").

On peut aussi voir ses oeuvres à la Verne Collection.

Et, oui, il neige.

20/12/2010

Detroit : almost lost




Gil Scott-Heron, Brian Jackson - We almost lost Detroit
(Bridges, 1977)

Le 5 octobre 1966, une panne du circuit de refroidissement au sodium entraîna un début de fusion du coeur de la centrale nucléaire Enrico Fermi I, à 30 miles de Detroit. 4 barres de combustible furent endommagées, dont 2 fondues. Les unités endommagées ne purent être retirée qu'en mai 67, et le redémarrage de la centrale, attendu pour mai 70, fut retardé jusqu'à juillet par une explosion de sodium (1). En août 72, après que les autorités aient refusé de prolonger sa licence, commença le long travail de fermeture d'Enrico Fermi I. Sur le même site, Enrico Fermi II, en exploitation depuis 1988, a été touchée le 6 juin 2010 par une tornade entraînant une fuite du circuit de refroidissement, une alerte de niveau 2 (sur 4) et un arrêt temporaire de la centrale.

L'accident de 1966 a été documenté en 1975 par John G. Fuller dans son livre...


 ...et chanté par Gil Scott-Heron dans son album Bridges en 1977, ainsi que dans les concerts No Nukes de Septembre 1979 au Madison Square Garden.

It stands out on a highway
like a Creature from another time.
It inspires the babies' questions,
"What's that ?"
For their mothers as they ride.
But no one stopped to think about the babies
or how they would survive,
and we almost lost Detroit
this time.
How would we ever get over
loosing our minds?
Just thirty miles from Detroit
stands a giant power station.
It ticks each night as the city sleeps
seconds from annihilation.
But no one stopped to think about the people
or how they would survive,
and we almost lost Detroit
this time.
How would we ever get over
over loosing our minds ?
The sherif of Monroe county had,
sure enough disasters on his mind,
and what would Karen Silkwood
say (2)
if she was still alive ?
That when it comes to people's safety
money wins out every time.
and we almost lost Detroit
this time, this time.
How would we ever get over
over loosing our minds ?
You see, we almost lost Detroit
that time.
Almost lost Detroit
that time.
And how would we ever get over...
Cause odds are,
we gonna loose somewhere, one time.
Odds are
we gonna loose somewhere sometime.
And how would we ever get over
loosing our minds ?
And how would we ever get over
loosing our minds ?
Didn't they, didn't they decide?
Almost lost Detroit
that time.
Damn near totally destroyed,
one time.
Didn't all of the world know ?
Say didn't you know ?
Didn't all of the world know ?
Say didn't you know ?
We almost lost Detroit...

Paroles via gilscottheron.com

(1) Source : Hyperphysics.
(2) Sur Karen Silkwood, voir ici ou


Et pendant ce temps là...
...on peut le lire aussi chez Morice

19/12/2010

Fille dans les feuilles

David Gauld - Girl Amongst Leaves, 1893

Lié à ses débuts et de par son apprentissage aux Glasgow boys, Gauld connaît au  tournant des années 1890 une période symboliste durant laquelle il peint Saint Agnes et ce portrait présumé de Margaret, plus tard épouse de l'artiste.

18/12/2010

Кончай войну !

Кончай войну ! Все по домам ! - La guerre est finie ! Tous à la maison !
Affiche Afghane à l'intention des soldats soviétiques  pendant l'occupation, 1983
Via Mark Vallen's Art for a change

17/12/2010

L'art de la rixe : Thomas Allen

© Thomas Allen, Via Fantomatik


Thomas Allen découpe et/ou détoure des couvertures de pulp books, et met en scène le résultat en y incorporant l'image du livre lui-même. C'est du book art mais là où d'autres creusent, frisent ou trempent, Allen fait hanter le livre par ses propres illustrations - qui, comme tout fantôme, restent prisonnières de leur lieu d'origine.

Voir le blog de Thomas Allen
Trouver son livre
Voir ses oeuvres chez Foley.



Et pendant ce temps là...
...dans le même ordre d'idées,
...du balai et des livres chez Su Blackwell
...Jonathan Safran Foer creuse lui aussi, chez Bruno Schulz.

15/12/2010

Le spectateur 'yau de poêle (Tissot #4)

James Tissot - Les femmes de sport, 1883-85 : le spectateur (image modifiée)


Intéressons-nous une dernière fois à l'Acrobate, avant de parler du Spectateur. Le 7 juillet 1891, Edmond de Goncourt rend une visite longtemps attendue à Robert de Montesquiou, dans son appartement de la rue Franklin. Là, entre autres curiosités, il note "une pièce originale : le cabinet de toilette, au tub fait d'un immense plateau persan, ayant à côté de lui la plus gigantesque bouilloire, en cuivre martelé et repoussé de l'Orient. Une pièce où l'hortensia, sans doute un souvenir pieux de la famille pour la Reine Hortense, l'hortensia est représenté en toutes les matières, et sous tous les modes de la peinture et du dessin, et au milieu de ce cabinet de toilette, une petite vitrine en glace, laissant apercevoir les nuances tendres d'une centaine de cravates, au-dessous d'une photographie de La Rochefoucauld, le gymnaste du cirque Molier, représenté sous un maillot faisant voir ses élégantes formes éphébiques."


James McNeill Whistler - Arrangement in Black and Gold,
Comte Robert de Montesquiou-Fezensac, 1891–1892
New York, The Frick Collection


Montesquiou, qui cite cette entrée du Journal des Goncourt dans ses mémoires, n'avait eu accès qu'à la première édition du Journal, expurgée par l'auteur. Dans le texte intégral Edmond de Goncourt précise sa pensée : "au-dessous d'une photographie un peu pédérastique de La Rochefoucauld, le gymnaste du cirque Molier."

L'acrobate, icône gay (2) des années 1880 ? Remarquez que le passage de Drumont que je citais dans un précédent billet usait déjà du sous-entendu dévirilisant ("le comte Hubert de la Rochefoucauld, vêtu d'une tunique de soie bleue, avec une écharpe à glands d'or, crie : miousic ! à l'orchestre, avec l'intonation des clowns. Il y a un véritable cas pathologique...) Ce qui nous renseigne moins sur les préférences de l'Acrobate que sur les stratégies de délégitimation appliquées à une aristocratie sur laquelle les XIXème siècle finissant projette sa hantise de la dégénérescence. Ce qui nous permet aussi, cependant, de voir d'un autre oeil le tableau de Tissot...



James Tissot - Les femmes de sport, 1883-85 : 
ce que regarde le spectateur (image modifiée)


...où le spectateur s'intéresse visiblement moins aux dames qu'aux messieurs. Mais les questions que pose cette figure ne s'arrêtent pas là. Cette pose et ce costume (3)...








...n'en rappellent-ils pas d'autres...



Gustave Caillebotte - Homme au balcon boulevard Haussmann, 1880
Source 


...et ces messieurs et dames du Cirque...




Max Klinger - Ein Handschuh/Un gant, n°1 Ort/Lieu, 1881


...vont-ils aussi à la patinoire ?  D'ailleurs là comme ici, avec la même raideur songeuse...



James Tissot - Ces dames des chars, 1885
eau-forte et pointe sèche d'après une toile de la série La Femme à Paris

...on se balance...



Max Klinger - Ein Handschuh/Un gant, n°2 Handlung/Action, 1881  Source : Stralau-blog


...allant au Bois...

 

James Tissot - La mystérieuse, ca 1885-1886 ?
eau-forte d'après une toile aujourd'hui perdue qui faisait partie du cycle de La femme à Paris.


...comme à la Ville.



Gustave Caillebotte - Portrait de Paul Hugot, 1878
Source : Wikimedia Commons


C'est Kirk Varnedoe (4) qui, le premier, a établi un parallèle entre Tissot, le premier Caillebotte et Max Klinger en produisant le concept de réalisme tardif : "ses protagonistes, de formation et de technique académiques, s'écartaient des conceptions naturalistes de Monet, Sisley et Renoir, marquées au sceau d'une généralisation axée sur le paysage. Ils s'attachaient, d'une part, à restituer avec un luxe de détails le spectacle du monde et, de l'autre, à décrire de l'intérieur la condition humaine à l'époque. Dans sa quête d'un esprit romantique dans la vie moderne, ce réalisme affichait volontiers une prédilection pour la complexité peu spectaculaire de la vie citadine bourgeoise, en se détournant du prolétaire qui était le héros du réalisme originel. Cette démarche peu soucieuse de la forme plastique en tant que telle n'était guère portée à l'élaboration de structures résolument abstraites dans la manière de Degas. Son orientation stylistique reflétait en revanche une influence très particulière de la photographie et privilégiait les poins de vue relativement normatifs, mais elle était souvent traversée par une tension entre une objectivité faussement terre à terre et des procédés de composition expressifs soigneusement choisis. Un exemple de cette tendance serait le peintre et graveur français assez inclassable James Tissot... Il y a des moments où les déformations curieuses des proportions et de l'espace, la raideur inquiétante des personnages-automates et le climat de rêverie ou d'ennui engendrent une poésie étrange qui rappelle celle de Caillebotte... La sensibilité de ces deux artistes au désoeuvrement des rentiers, par quoi la rigidité devient l'expression d'une condition sociale qui préfigure Seurat, se retrouve également dans certaines oeuvres graphiques de l'allemand Max Klinger." (5).


Le Spectateur de Tissot, les Hommes au balcon de Caillebotte et les patineurs surréels de Klinger sont  contemporains. Et effectivement ces artistes, à la différence des grands impressionnistes, se sont colletés directement avec la photographie (6). De cette confrontation sortent ces tableaux instantanés qui sont en même temps des stases, des moments soigneusement construits, mais comme s'ils étaient volés - d'où ce calme déroutant de rêve arrêté, même quand ce sont des cauchemars comme chez Klinger.



Max Klinger - Ein Handschuh/Un gant,
n°9 Entführung/Enlèvement, 1881 Source : VTS


Ce petit temps d'arrêt dans les promenades de la classe de loisirs, c'est le temps du spectateur-tuyau-de-poêle (7) - déjà plus le flâneur spleenétique du boulevard, pas encore le piéton halluciné de la ville expressionniste - un peu raide et engoncé, un peu vide et ennuyé, mais témoin aux aguets d'un spectacle en cours de mécanisation.


 Gustave Caillebotte - Portrait de Jean Daurelle, 1887


Car les lieux dépeints par ces tableaux et gravures sont les nouveaux lieux de rencontres de hasard du XIXème - boulevard haussmannien, patinoire, hippodrome, allées du Bois - que ces images transforment en lieux du rêve, au sens benjaminien (8).





Parmi ces lieux du rêve, le Cirque occupe une place particulière, plus éphémère : les grands Cirques fixes entrent en crise à partir des années 1890 (9) et sont supplantés par les cirques ambulants, les équipements du sport de masse, les parcs d'attractions et, bien sûr, le cinéma. Et les cirques dits privés - Molier est le principal - deviennent des conservatoires nostalgiques.




(1) Sur son site, Paule Adamy a mis en regard le compte-rendu de visite de Goncourt et son commentaire par Montesquiou dans ses mémoires, Les pas effacés.

(2) On sait que Montesquiou fut le modèle du Charlus de la Recherche.

(3) Pour les hauts-de-forme chez Tissot, voyez par exemple Le vestiaire au musée de Nantes.

(4) Kirk Varnedoe (1946-2003) fut curator du MOMA et auteur, entre autres, de livres qui font référence sur Caillebotte, Pollock et Cy Twombly.

(5) Kirk Varnedoe, Gustave Caillebotte, Adam Biro éd. 1988. pp. 13-14, traduction Jeanne Bouniort. A noter qu'on pourrait déceler les échos de ce réalisme tardif, non seulement chez Seurat, mais aussi chez Munch, par Klinger et aussi via Christian Krohg marqué par Caillebotte. Et chez les surréalistes belges, via Ensor.

(6) L'activité photographique de Degas est bien séparée de son travail de peintre. A l'inverse, Tissot, non content de commercialiser très tôt des épreuves photographiques de ses tableaux, documente par la photo les étapes de sa production et même, à partir de sa période anglaise,  utilise des clichés préalables pour peindre. Puis il  photographie ses toiles, rassemble le tout dans des albums soigneusement classés dont certains sont même présentés dans ses expositions, cf. Jeanne Labourdette, James Tissot et la photographie, in J.T. est ses maîtres, Musée des beaux-Arts de Nantes, 2005. Sur Caillebotte et la photographie, notamment sur Le pont de l'Europe, l'étude fondatrice est celle de Peter Galassi, La méthode de Caillebotte, pp. 27-40 du livre dirigé par Varnedoe, déjà cité. Sur Klinger et l'effet photographique voir  : Kirk Varnedoe et Elizabeth Streicher, Graphic works of Max Klinger, Dover, New York 1977, notamment l'introduction de Varnedoe, p. XX.

(7) Lors de l'exposition au Salon de l'Homme au balcon de Caillebotte, le caricaturiste Draner le redessina en forme de  poêle surmonté d'une cheminée-tuyau en guise de chapeau, avec cette légende "cette peinture faisant suer dans le salon, on a mis le poêle à roulettes au balcon" cf. p. 144 du livre de Varnedoe sur Caillebotte, cité plus haut.

(8) C'est-à-dire qu'ils sont les lieux du rêve/réveil/remémoration du passé collectif, cf. les parties K et L du Passagenwerk, sur les Villes de rêve et Maisons de rêve : Walter Benjamin, Paris capitale du XIXème siècle, le livre des passages, éd. du Cerf 1989, pp. 405-433. Ici  on pourrait dire que ces tableaux et gravures  fonctionnent  pour nous comme des images dialectiques au sens où l'entendait Benjamin.

(9) Le Cirque d'été ferme en 1898, le Cirque d'hiver, seul des cirques historiques à subsister aujourd'hui, est transformé en cinéma de 1907 à 1923. Le Nouveau Cirque et le Cirque de Paris résistent jusqu'à la fin des années 1920, Fernando - devenu Médrano - jusqu'en 1973. L'histoire des cirques à Paris est ici, chez le piéton.