24/12/2007

Peace on earth & Bollywood

Le comic original de Hugh Harman/MGM (1939)...





...et son remake par Hanna-Barbera (1955)...





...évidemment certains ne suivront pas ces bons conseils...




...Joyeux Noël

18/12/2007

Ce qui se passait au printemps de 1839 (le voyage de Meryon #5)

Baudelaire au collège, 1833

18 Avril 1839 : B
audelaire est renvoyé du lycée Louis-le-Grand

A M. le Colonel Aupick

Ce matin M. votre fils, sommé par le sous-directeur de remettre un billet qu'un de ses camarades venait de lui glisser, refusa de le donner, le mit en morceaux et l'avala. Mandé chez moi, il me déclare qu'il aime mieux toute punition que de livrer le secret de son camarade, et pressé de s'expliquer dans l'intérêt même de cet ami qu'il laisse exposé aux soupçons les plus fâcheux, il me répond par des ricanements dont je ne dois pas souffrir l'impertinence. Je vous renvoie donc ce jeune homme, qui était doué de moyens assez remarquables, mais qui a tout gâté par un très mauvais esprit, dont le bon ordre du collège a eu plus d'une fois à souffrir. Veuillez agréer, Monsieur, avec l'expression de mes regrets, l'assurance de mes sentiments les plus respectueux et les plus distingués.
Le proviseur, J. Pierrot




Modèle de système de barricades, dessin de Blanqui
Instruction pour une prise d'armes, 1866

Dimanche 12 Mai 1839, midi : Auguste Blanqui entre dans un café au coin de la rue Mandar et de la rue Montorgueil, et entraîne les adhérents de la Société des Saisons qui y sont réunis. Ils sont rejoints par leurs camarades, préalablement convoqués par leurs chefs de semaines dans des arrière-salles de marchands de vins sis entre les rues Saint-Martin et Saint-Denis. Au nombre de cinq ou six cents et au cri de "aux armes" ils dévalisent l'armurerie Lepage. Blanqui et Barbès distribuent fusils et cartouches. Ils prennent les postes de garde de la mairie du VIIe et du Palais de justice, puis l'Hôtel de Ville, où ils font une proclamation.

Aux armes, citoyens !


L'heure fatale a sonné pour les oppresseurs. Le lâche tyran des Tuileries se rit de la faim qui déchire les entrailles du peuple; mais la mesure de ses crimes est comble. Ils vont enfin recevoir leur châtiment. La France trahie, le sang de nos frères égorgés, crie vers vous, et demande vengeance; qu'elle soit terrible, car elle a trop tardé. Périsse enfin l'exploitation, et que l'égalité s'asseye triomphante sur les débris confondus de la royauté et de l'aristocratie. Le gouvernement provisoire a choisi des chefs militaires pour diriger le combat; ces chefs sortent de vos rangs, suivez-les ! ils vous mènent à la victoire. Sont nommés : Auguste Blanqui, commandant en chef, Barbès, Martin-Bernard, Quignot, Meillard, Nétré, commandants des divisions de l'armée républicaine.

Peuple, lève-toi ! et tes ennemis disparaîtront comme la poussière devant l'ouragan. Frappe, extermine sans pitié les vils satellites, complices volontaires de la tyrannie; mais tends la main à ces soldats sortis de ton sein, et qui ne tourneront point contre toi des armes parricides.
En avant ! Vive la République !

Les membres du gouvernement provisoire, Barbès, Voyer d'Argenson, Auguste Blanqui, Lamennais, Martin-Bernard, Dubosc, Laponeray Paris, le 12 mai 1839


Mais comme ils restent isolés les insurgés quittent l'Hôtel de Ville. Ils élèvent des barricades dans le quartier Saint-Martin puis, repoussés par l'armée, dans celui de Saint-Merri. On se bat encore le lendemain rue Saint-Louis et rue Saint-Claude comme le décrit Hugo dans Choses vues, et à l'Ecole Polytechnique, mais les insurgés sont écrasés : cinquante morts, cent-quatre-vint-dix blessés de part et d'autre, Barbès laissé pour mort sur la barricade de la rue Greneta, Blanqui en fuite arrêté cinq mois plus tard. Tous deux sont condamnés à mort, puis graciés et enfermés.

"Hier, à trois heures et demie, aux premiers coups de fusil, le roi a fait venir chez lui le maréchal Soult et lui a dit : "Maréchal, l'eau se trouble. Il faut pêcher des ministres." Une heure après, le maréchal est venu chez le roi et lui a dit, en se frottant les mains, avec son accent méridional : Cette fois, Sire, jé crois qué nous férons notré coup". Il y a, en effet, ce matin un ministère dans le Moniteur" (1).


La crise ministérielle qui durait depuis trop longtemps aux yeux de Louis-Philippe est résolue. Le maréchal Jean-de-Dieu Soult est premier ministre.


Le colonel Aupick, beau-père de Baudelaire, ne couche pas chez lui dans la nuit du 12 au 13 : il participe activement à la répression. Cela lui vaudra
trois mois plus tard d'être promu général de brigade.



Le général Aupick


Mai 1839 : le capitaine Langlois est en France, de retour de Nouvelle-Zélande. Il revend la Péninsule de Banks à un groupe d'hommes d'affaires de Nantes et de Bordeaux qui forment la "Compagnie Nanto-Bordelaise" avec la participation du duc Decazes, ex-premier ministre de la Restauration, industriel fondateur de Decazeville, et le soutien du maréchal Soult, premier ministre en exercice. Langlois conserve une bonne part des actions.



Le maréchal Jean-de-Dieu Soult, caricature par Daumier


Louis-Philippe hésite. La Marine pousse à établir une colonie en Nouvelle-Zélande, afin d'y disposer d'un port pour les baleiniers et les bateaux de commerce français, et pour donner un coup d'arrêt à l'expansion anglaise. Le ministère des affaires étrangères est bien plus prudent. Soult parvient à convaincre le roi et le 9 Décembre 1839 le gouvernement donne son assentiment au contrat proposé par la Nanto-Bordelaise; il lui verse une subvention, met à sa disposition un navire de guerre, L'Aube, capitaine Lavaud, ainsi qu'un bateau pour le transport des colons français, le Comte de Paris dont Langlois prendra le commandement. Les administrateurs de la Nanto-Bordelaise s'engagent à rétrocéder au gouvernement le cinquième des terres qu'ils acquerront. Devinant la faiblesse des titres de Langlois, ils lui confient des contrats-types à faire signer en leur nom aux chefs maoris. Le projet est simple : acheter encore plus de terre, y installer les colons et déclarer l'île du sud terre française.

Le printemps se termine; Charles Meryon est toujours à l'école navale à Brest, il bûche l'hydrographie, la cartographie et les manoeuvres de marine. Il est considéré comme "intelligent mais indiscipliné" (2) et se prépare à passer l'examen de fin d'études.

23 Juin 1839 : le corps de lady Hester Stanhope est enterré à Joun selon le rite de l'Eglise d'Angleterre et dans un cercueil enveloppé du drapeau britannique, contrairement à ses dernières volontés par lesquelles elle reniait tout lien avec son pays d'origine et avec la religion chrétienne.

C'est maintenant l'été. Le 24 Juillet 1839 le vaisseau de guerre l'Héroïne rentre de Nouvelle-Zélande en rade de Brest. Son commandant, le capitaine Cécille, prend la route de Paris. A côté de lui dans la diligence, un jeune cadet de seconde classe tout juste sorti de l'école navale, onzième sur soixante de sa promotion, Charles Meryon. Cécille lui expose les plans de colonisation de l'île du Sud et l'encourage vivement à rejoindre le capitaine Lavaud qui va partir sur l'Aube pour la péninsule de Banks.

(1) Victor Hugo, Choses vues, Dimanche 12 Mai 1839.

(2) Roger Collins, Charles Meryon, a life, Garton & Co, Devizes, 1999, p. 29.



14/12/2007

Le cadeau de Noël de l'oeil des chats : The bloody olive

Cliquer sur le cadeau pour voir l'olive




Un film de Vincent Bal, à partir d'une BD de Lewis Trondheim

Vincent Bal a aussi fait
cet autre film, Miaou...


avec Carice Van Houten, oui, vous savez bien

Le greffe : Shotei

09/12/2007

Fantômes à la rencontre : What was on (1957)


Sur Square America Snapshots & Vernacular Photography, laissez vous hanter par What Was On (1957), une série de 48 photos prises tard le soir, sur l'écran de la TV US, par un photographe insomniaque et solitaire des années 50. Figures imposées des spectres féminins du tube.

Tableaux parisiens

07/12/2007

Des Maoris et des baleines, ou l'histoire de deux manteaux, six pantalons, douze chapeaux, deux paires de chaussures, un pistolet et deux chemises

(le voyage de Meryon, #4)



Août 1838. Pierre-Narcisse Chaspoux, la mère de Meryon, est gravement malade. Elle fait faire son testament, que les rhumatismes articulaires l'empêchent de signer elle-même (1). Charles Meryon, de son côté, bûche la navigation, la mécanique et la chimie à Brest; il est passé en seconde année d'Ecole navale, 42ème sur 60. Charles Baudelaire, né la même année que Meryon, termine sa rhétorique à Louis-le-Grand avec les premiers prix de discours français et de version latine - il ne commencera vraiment à faire du mauvais esprit que l'année suivante.

Le soir, des fenêtres de l'internat où il dévore les volumes de Hugo que lui apporte un externe, il voit dans la rue Saint-Jacques les lueurs que tourmente le vent des réverbères à huile - du moins est-ce fort probable, plus des deux tiers des rues de Paris étant encore ainsi éclairées à cette date. Rambuteau puis Haussmann n'auront généralisé l'éclairage au gaz qu'au début des années 1850.


Lampes à huile et quinquets fonctionnent à l'huile de baleine, c'est le pétrole du début du XIXème siècle. En 1838 encore une trentaine de bateaux baleiniers partent du port du Havre. Ils étaient soixante en 1825 - s'ils sont de moins en moins nombreux, ce n'est pas seulement à cause du gaz, mais aussi parce que les frais s'alourdissent : la baleine migre.


"De 1830 à 1835, on la pêche particulièrement aux îles Malouines, au sud de l’Amérique, que les Anglais, bien entendu, ont appelé les îles Falkland, autour de l’île Tristan da Cunha, et le voyage dure 7 à 12 mois. De 1836 à 1839, il faut doubler le cap Horn et aller croiser le long de la côte du Chili, le long de la côte Araucanienne, dans l’archipel des îles Chiloë, et alors la croisière des baleiniers dure de 16 à 24 mois. De 1834 à 1844, les gammes, les
bandes de baleines et de baleineaux émigrent au sud de la Nouvelle-Zélande, et les baleiniers havrais sont contraints de faire le tour du monde, de doubler le cap de Bonne-Espérance pour aller stationner aux îles Saint-Paul et Amsterdam. L’expédition dure alors 18 à 20 mois." (2)

Nouvelle-Zélande donc, île du Sud, grand rendez-vous des harponneurs de l'époque. Ces côtes était connues des navigateurs français : de Surville en 1769 les avait explorées au même moment que le capitaine Cook, Marion du Fresne y avait débarqué en 1772 pour se faire tuer par des guerriers maoris et en 1793 d'Entrecasteaux y avait recherché La Pérouse disparu. Ensuite pendant quelques années les Français sont occupés ailleurs, mais de 1824 à 1829 l'Uranie de Duperrey, l'Astrolabe de Dumont d'Urville et la Favorite de Laplace s'y succèdent. Point d'installation pourtant, à la différence des Anglais de l'île du Nord. C'est la baleine qui devait forcer la décision.


Illustration de l' Atlas pour servir à la relation du voyage à la recherche de La Pérouse, fait par ordre de l'Assemblée Constituante pendant les années 1791 et 1792

Les whaleships anglais et américains avaient eu quelques années d'avance mais en 1838 plusieurs dizaines de baleiniers français sont à l'oeuvre autour de la péninsule de Banks, protégés par un navire de guerre, l'Héroïne. Tous ces bateaux
s'abritent dans la rade de Port Cooper, l'un des mouillages naturels offerts par les pentes du volcan éteint. Quelques douzaines d'européens sont installés sur la péninsule, dans des stations baleinières - ce type d'établissement était utilisé pour transformer les cétacés une fois tués et traînés à terre. Un anglais, George Hempelman, en a monté une à Peraki sur la côte sud, il en existe d'autres à Island Bay, Ikoraki, Oashore et Little Port Cooper, et à Arakoa le plus entreprenant des baleiniers français, le capitaine Langlois, commandant du Cachalot, a installé des comptoirs d'approvisionnement et une station de carénage. Il y a donc là déjà quelques bretons, mais parmi eux ni fermiers, ni missionnaires, ni familles. Les tribus sont déstabilisées économiquement et militairement par la colonisation qui a introduit entre autres les maladies d'Europe, la pomme de terre et le mousquet. Réduite à moins de deux cents personnes, la population maorie locale a été saignée par la guerre contre Te Rauparaha, un chef de guerre que la présence anglaise dans l'île du Nord a poussé vers le Sud. C'est alors que Langlois juge le moment venu de forcer la main aux autorités françaises. En Août 1838 donc, il assure avoir conclu avec onze chefs maoris un contrat par lequel il lui auraient vendu la péninsule de Banks, pour mille francs français, dont 150 francs versés immédiatement sous la forme de :
  • deux manteaux
  • six pantalons
  • douze chapeaux
  • deux paires de chaussures
  • un pistolet
  • et deux chemises,
le solde devant être versé lorsque Langlois reviendrait prendre possession de la terre. Les maoris ont signé ce contrat écrit en français en y dessinant chacun leur Moko, le motif de leur tatouage.


Charles Meryon - Portrait de Toma Kéké, chef de tribu de la Nouvelle-Zélande, 1846
Le titre qui est resté à ce dessin lui a été attribué de façon inexacte par Gustave Geffroy dans son livre sur Meryon. Le personnage représenté par Meryon d'après un daguerréotype est Tikao, Maori d'Akaroa qui fut signataire du traité de Waitangi. Le titre initialement donné par l'artiste était d'ailleurs "Tikao, naturel de la Nouvelle-Zélande, orateur".


Peter J. Treweman, senior lecturer de français à l'université de Canterbury (NZ), a effectué une étude détaillée (3) des contrats successifs de Langlois dans le cadre de la plainte déposée par l'iwi (tribu) de Ngai Tahu contre ses colonisateurs tant anglais que français. Pour résumer ses conclusions, on sait que ces maoris ne lisaient pas le français, que l'identité des signataires est douteuse, que leur autorité pour signer et l'existence même de la vente ont été vigoureusement contestées deux ans plus tard par plusieurs chefs maoris de Port Cooper. On a dénombré vingt-trois représentants maoris de la péninsule de Banks, et sept autres résidant ailleurs mais ayant des droits sur ses terres, dont la signature ne figure pas sur le contrat alors qu'elle l'aurait dû. Les seules choses dont on soit sûr c'est (a) que le contrat a existé et (b) que certaines déclarations de maoris d'Akaroa peuvent être interprétées comme indiquant qu'ils pensent que d'autres maoris de Port Cooper ont vendu au français une petite portion de terrain sise dans ce village. Le reste, selon le rapport de Treweman, ne repose que sur la parole de Langlois.

Son contrat en poche, le capitaine repart sur le Cachalot. Il lui faut encore trouver des financiers, des colons et, accessoirement, des canons.

Le 5 Octobre 1838, Pierre-Narcisse Chaspoux meurt, laissant semble-t-il à son fils un petit capital. Elle est enterrée dans la fosse commune du cimetière Montmartre. A Brest, Charles Meryon reçoit la nouvelle par une lettre de sa soeur Fanny Lowther. C'est lui qui écrit à son père pour lui annoncer la mort de la troisième femme de sa vie.

(1) Roger Collins, Charles Meryon, a life, Garton & Co, Devizes, 1999, p. 24.

(2) Georges Dubosc, Les anciens Baleiniers Normands, 1924, sur le site de la Bibliothèque électronique de Lisieux.

(3) Son rapport se trouve sur le site du tribunal de Waitangi. On peut aussi visiter le site de la tribu de Ngai Tahu.